Kit Meinem d’Atyar est peut-être le plus doué des architectes de l’Empire. Peut-être… et tant mieux. Car il lui faudra convoquer toutes ses compétences, l’ensemble de son savoir pour mener à bien la plus fabuleuse qui soit, l’œuvre d’une vie: un pont sur le fleuve de brume qui de tout temps a coupé l’Empire en deux. Un ouvrage d’art de quatre cent mètres au-dessus de l’incommensurable, cette brume mortelle, insondable, corrosive et peuplée par les Géants, des créatures indicibles dont on ne sait qu’une chose : leur extrême dangerosité…
Par-delà le pont… l’abîme, et pour Kit une aventure humaine exceptionnelle.
Le Bélial – 140 pages – 9,90 euros.
Une novella entre mythe et réalité, où le surnaturel côtoie une entreprise difficile…
Je poursuis ma lecture de la collection Une Heure Lumière publiée aux éditions Le Bélial. Cette fois, je m’attaque à découvrir un nouvel auteur : Kij Johnson. Cette novella, doublement primée et une fois nominée, annonce une bien belle lecture ! Me voilà attiré au cœur de la Brume et des étranges créatures qui semblent y vivre, avec toutes les menaces qu’elles représentent…
Kit venait d’arriver à Procheville. Avec lui, deux malles et un porte-document contenant les plans du pont sur la brume. À ses pieds, les malles traînaient dans la boue. Seul son porte-document profitait d’un traitement de faveur. Kit le maintenait fermement pour le protéger de la boue, encore présente suite à l’orage de la veille. Procheville était une ville de taille modeste. Pour Kit qui venait de la capitale, les bâtiments de sept à huit étages ne lui faisaient pas peur. L’étendue de la bourgade était telle qu’il fallait une bonne journée de marche pour la traverser. Les chemins de terre battue voguaient entre les bâtisses et les barrières. L’auberge dans laquelle Kit se rendait était somme toute basique. Un bâtiment de deux étages, bâti en grès doré. Devant la porte d’entrée, il interpella une femme pour lui demander comment il pourrait emprunter un bac pour traverser la brume.
La femme savait que les deux bacs en service étaient de ce côté, et que Kit recherchait plus qu’un bac. Il fallait dénicher un pilote capable de se débrouiller dans la brume. Le nom de Rasali Bac lui fut prononcé. Il devait se rendre auprès d’elle pour traverser. Kit espérait pouvoir se rendre à Loinville pour pouvoir y dormir ce soir. Rasali venait de revenir de Loinville la nuit dernière, et elle ne repartirait pas avant un jour ou deux. Mais Kit pouvait toujours espérer et négocier avec elle. Il se rendit alors au Cœur-de-cerf, l’auberge où elle se rendait régulièrement. Il avait de quoi payer pour la convaincre d’effectuer la traversée ce jour même. Kit demanda à ce que la femme, qui tenait l’auberge, puisse conserver ses malles pendant qu’il allait s’arranger avec Rasali. C’était une habitude pour elle de garder les bagages. Tout le monde pensait pouvoir se rendre de l’autre côté de la brume comme ça lui chantait. Sauf que ce n’était pas tout à fait le cas…
Des bâtisseurs face aux assauts de la Brume, pour changer tout un mode de vie, pour rassembler deux rives.
J’ai beaucoup aimé cette novella. Le ton est bien différent par rapport à ce que je lis habituellement. Cette histoire conte la vie de Kit Meinem d’Atyar, un des meilleurs architectes de l’Empire. Son projet est ambitieux, surtout qu’il est d’une importance capitale ! Deux villes sont séparées par un fleuve de Brume. La traversée est possible, mais les dangers sont nombreux et… mystérieux. Des Géants vivent dans la Brume, tout autant que des poissons d’une taille prodigieuse. Il faut espérer, en entamant la traversée, qu’ils soient suffisamment rassasiés pour ne pas sombrer dans des abysses desquelles personne ne ressortira vivant. La Brume est comme une entité vivante, parfois calme, d’autres fois épaisse, haute et agitée. Des personnes peuvent vous faire traverser dans des Bacs. C’est le cas de Rasali, une passeuse parmi les meilleures, qui ne prend aucun risque, même pour de coquettes sommes. Son métier, elle le connaît par cœur, et elle sait quand traverser et quand reporter. Chaque fois, sa vie aussi est en sursis…
J’ai adoré l’aspect mystique de la Brume, et toute cette histoire de construction, d’ailleurs très poussée. Je suis entré dans le quotidien de Kit, architecte de renom, choisi par l’Empire pour en finir avec un territoire scindé en deux parties. Entre le choix des matériaux, les calculs théoriques et la vie du chantier, les difficultés sont monnaie courante. J’ai apprécié pouvoir vivre l’envers du décor, alors qu’une relation tend à prendre forme entre Kit et Rasali, deux personnes que tout semble opposer. Cette intrigue est par moment forte en émotions, avec des scènes dramatiques et des remises en question presque permanentes. Kit est un personnage qui sait allier courage et altruisme. Mais ma préférée demeure Rasali, de sa vie passée à ses ambitions personnelles nouvelles qui se dessinent, elle incite à la curiosité. J’ai adoré ce lien fort entre ces deux protagonistes, et ces liens entre eux et leurs métiers respectifs. Cette novella offre une vision brumeuse d’un monde en passe de changer, en passe de faire disparaître des mythes, pour une traversée plus sûre.
Ma note : 4/5