On l’appelle le Voyageur.
Il a quitté une cité de canalisations et de barbelés, un cauchemar de bruit permanent et de pollution qui n’a de cesse de dévorer la forêt.
Sous la canopée, il s’est découvert un pouvoir, celui de se téléporter d’arbre en arbre.
Épuisé, il finit par atteindre un village peuplé par les descendants de la déesse Dana, une communauté menacée par les Fomoires, anciennement appelés “géants de la mer”. Là, il rencontre Sylve, une étrange jeune femme au regard masqué par d’impénétrables lunettes de glacier.
Pour rester avec elle, dans ce village interdit aux Humains, le Voyageur devra mériter sa place.
Albin Michel Imaginaire – 256 pages – 18,90 euros.
Un roman fantastique où la fantasy s’invite parfois au travers de sa magie et de ses contes…
Je tiens à remercier les éditions Albin Michel Imaginaire pour l’envoi de ce roman. J’ai été ravi de découvrir la quatrième de couverture de cette histoire, d’autant plus que sa couverture est sublime ! C’est un bel objet qui promet une excellente lecture, alors, qu’en est-il vraiment ?
Des entrailles de la ville résonnaient des battements sourds et perceptibles tout au long de la journée. Comme un cœur qui bat en permanence pour permettre à la cité de vivre et de puiser de nouvelles ressources pour sa survie. Ce colosse puissant qu’était la cité devenait mourant. Il devait sa survie aux pompes et à un réseau de trépans qui creusaient sans cesse pour dénicher de premières matières. Tous les cliquetis de cette machinerie infernale amenaient l’eau et l’énergie nécessaires. La Cité incarnait une pieuvre, faite de tentacules qui s’élargissaient en canalisations, stations de pompage et puits perdus. Des sous-sols ressortaient des fumées épaisses qui venaient se mélanger à l’air ambiant. Lui qui adorait voguer dans les rues de cette ville, un sentiment de malaise montait en lui dès qu’il sentait les fluides en mouvement permanent sous ses pieds. Parfois, un jet de vapeur soudain venait faire palpiter son cœur avec un entrain non désiré.
Il regardait la fumée se dissiper en se demandent pourquoi il avait eu cette réaction. Cette peur subite. Tout en ce lieu l’oppressait, et surtout ce sentiment d’enfermement qui lui rongeait les sangs. La Cité vivait en autarcie, en équilibre précaire. Toute cette construction humaine pouvait s’écrouler à chaque instant. Il demeurait ici quelques centaines de milliers de personnes, un reste d’humanité tentant désespérément de vivre, loin de toute nature, de tout espace verdoyant. Tout avait été conçu pour prendre le moins de place possible. Des champs cultivés dans des tours, sur chaque niveau, jusqu’aux usines automatiques et aux habitats concentrationnaires. La Cité se protégeait de l’ambition de la forêt aux alentours. Cette nature indomptable et vorace qui les menaçait. Contre elle, un épais rempart faisait office de sentinelle, démonté et remonté dans un éternel recommencement. Pour grignoter chaque jour un peu plus cette forêt maudite et donner la place nécessaire aux Hommes de s’accroître…
Une histoire magnifique qui allie avec grâce un monde aux multiples univers !
Ce roman est un savoureux mélange des genres de la littérature de l’imaginaire. Il y en a pour tous les goûts, avec un début que j’ai trouvé quelque peu dystopique, pour ensuite partir sur un duo fantastique/fantasy qui fonctionne de façon très efficace ! Les décors changent de façon radicale entre les premières pages du récit et la suite des événements. Le Voyageur va vivre une épopée sans pareil au cœur de la forêt, que son peuple d’origine surnomme le Dômaine, un endroit sordide peuplé de légendes où il ne fait certainement pas bon vivre ! Ce sont deux mondes qui se côtoient sans se toucher, puisqu’un mur fait rempart entre la nature et la Cité clairement artificielle. Des gratte-ciels se dirigent vers les cieux alors que la brume ambiante n’est rien d’autre qu’un smog de pollution. L’ambiance de la Cité est géniale, enfin, pour moi derrière les pages de mon livre, je ne suis pas sûr de m’y complaire dans la réalité, entendons-nous bien !
J’y ai retrouvé des allures steampunk, très chères à mon cœur, alors forcément je me suis mis à idolâtrer ce roman ! Mais, au travers de la Brèche, il est possible pour chaque habitant de la Cité de la quitter pour se rendre dans le Dômaine, au détail près que c’est un départ sans retour. Le Voyageur va s’en aller pour prendre un nouveau départ, loin de cette ambiance sordide. Malgré tout, il y a un rituel de départ connu et suivi de tous, comme si tout le monde s’accordait à dire qu’il allait certainement vers une mort certaine. Un au revoir comme un adieu au nom de tous pour celui qui a la bravoure d’essayer de partir vers un ailleurs mystérieux et effrayant. C’est en cela que ce roman est intriguant, il y a beaucoup de mythes et de contes, sur le monde en règle générale mais aussi sur la vie des peuples qui vivent dans la forêt. Les humains ne sont pas les seuls à avoir colonisé ce monde, puisque les nains y cohabitent avec d’autres races humaines aux talents magiques indéniables !
Plus que tous ces peuples aux origines diverses, leur vie commune est fabuleuse. Même si deux peuples figurent parmi leurs ennemis, le village dans lequel le Voyageur trouve refuge lui offre une vie bien au-delà de ses espérances. Lui qui avait vécu l’horreur de la Cité autrefois. Il va rencontrer une femme exceptionnelle du nom de Sylve, qui va lui apprendre énormément de choses sur la vie de ce côté du mur, au sein même de la forêt. À mesure que je me suis enfoncé dans cette lecture, et dans la forêt, une dimension fantastique a pris place jusqu’à devenir omniprésente. La forêt devient vivante, comme un écosystème complet dont le Voyageur se sert pour se déplacer. La rumeur de l’océan s’éveille alors que personne ne semble l’avoir aperçu. Ce roman est une merveille de beauté et d’imagination, d’amour et d’humanité. Et même si la fin me laisse perplexe, j’ose croire que l’épilogue de cette histoire, que je me suis imaginé, est bien celui auquel je crois. J’ai bon espoir !
Ma note : 4,5/5