« Il n’y avait pas de victoire possible puisqu’il n’y avait pas d’ennemi. »
Dans l’immensité du vide et de ses étoiles, la mort ne présente pas toujours la situation la moins enviable. Que ce soit être à la dérive sans possibilité, être échoué sans perspective, ou bien être abandonné, simplement, voilà des sorts terribles à supporter. Voyageurs et autres aventuriers qui affrontent le vide ne sont pourtant pas des gens dépourvus face à l’incertitude…
Mais aux dangers de l’espace se confrontent les rêves des Hommes et leur capacité inépuisable à surmonter le pire. Être un naufragé dans l’océan stellaire n’est parfois que la première pierre d’un long chemin.
Dix ans d’édition et l’envie d’un hommage. Cette anthologie sur le thème des « Naufragés de l’espace » propose à huit auteurs de s’emparer des ingrédients de ce qui fait un récit tel que P.-J. Hérault, auteur emblématique du space opera à la française, parvenait à nous en offrir : un cocktail d’aventures et d’humanisme.
Au sommaire, Luce Basseterre, Romain Benassaya, David Gallais, Thibaud Latil-Nicolas, Camille Leboulanger, Audrey Pleynet, Emmanuel Quentin et Marianne Stern vous embarquent et vous emmènent dans les pas de P.-J. Hérault !
Critic – 273 pages – 18 euros.
Je remercie les éditions Critic pour l’envoi de cette anthologie. Lors de mes échanges avec David Gallais à propos d’une interview que nous avons faite ensemble, il m’avait parlé de ce livre, où il y avait écrit une nouvelle. Et comme le sujet pouvait être intéressant, j’ai décidé de me lancer dans cette lecture. À chaque nouveau texte, une nouvelle aventure au cœur même du space-opera, mais aussi dans la vie des naufragés de l’espace, dont les situations sont toutes peu enviables !
Circuit fermé, de Camille Leboulanger
Me voilà parti au cœur de cette anthologie grâce à cette première nouvelle de Camille Leboulanger. Nous sommes dans l’espace, où la guerre fait rage entre les Terriens et la Fédération. La Terre promeut un mode de vie particulier : la Triade, ainsi qu’une consommation attentive des matières premières fournies par la planète ; alors que la Fédération est contre ce système et cherche à consommer le plus de matériaux possibles. Il n’en fallait pas plus pour déclencher des combats épiques dans l’espace. Pate est un soldat Terrien, envoyé par-delà l’atmosphère terrestre pour effectuer son service obligatoire. Mais ce qu’il va découvrir est bien loin de ce qu’il imaginait en quittant sa terre natale…
Ce texte est bien écrit, fluide, et laisse planer quelques interrogations dès le début. Le rythme est volontairement lent, permettant de décrire des éléments importants pour comprendre le contexte qui entoure tous ces combats intersidéraux. Du fait de ces descriptions efficaces, la chute de la nouvelle n’en est que plus retentissante !
Attendre l’aurore, de Emmanuel Quentin
Loman aperçoit des images troublantes. Des images riches en émotions. Les dernières paroles de Myo, dont le timbre de sa voix était perturbé par les relents de l’alcool qu’elle avait dû consommer. À bord du Glyphe, le petit équipage se tenait prêt à partir à l’assaut de quelques métaux qu’ils pourraient revendre et amasser ainsi leur petit butin miséreux. Ce travail ne leur permettrait pas de changer de vaisseau avant plusieurs années. La mort de Myo surgit dans ce contexte difficile où il ne fallait absolument pas perdre la cargaison durement récoltée, à l’abri dans le voile photonique du vaisseau.
Ce texte m’a laissé un peu perplexe. J’ai ressenti un peu de mal de comprendre les tenants et les aboutissants de cette intrigue. Je pense que des descriptions et des explications supplémentaires n’auraient pas été de trop pour permettre de rentrer davantage dans cet univers. Malgré cela, j’ai apprécié les personnages et le changement de décor qui se produit dès lors que l’équipage du Glyphe se retrouve entre de mauvaises mains. Une montée du suspense arrive, et avec elle de nouvelles questions sur ce monde mystérieux, bordé de belles images ! Il y a de nombreuses idées intéressantes, qui devraient être développées un peu plus à mon goût, sur un format plus long, pour qu’elles puissent s’exprimer avec leur plein potentiel.
La cinquantième, de Marianne Stern
Les Cobras devaient protéger le point de saut d’Almera, ces patrouilleurs voletaient dans l’espace autour de la planète pour éviter que leurs ennemis ne franchissent la porte qui les méneraient tout droit sur Uranie. Cette dernière portait tous les pouvoirs de la Confédération. Déjà, par le passé, ce passage avait été forcé. Cela ne devait donc plus jamais se produire. Des compagnies de soldats d’élite en avaient fait leur point de ralliement, pour être prêts à intervenir aux moments opportuns. Des mystères s’éveillent alors que Maya, chef d’escadre, rentre de mission avec un Cobra en très mauvais état. Elle va mettre cela sur le coup de son affrontement avec l’ennemi. Mais si l’ennemi venait plutôt de l’intérieur ?
Cette nouvelle est belle, presque poétique, avec, en filigrane, des liens entre certains personnages qui se tissent peu à peu, alors que d’autres se révèlent au lecteur. Même s’il est aisé de deviner la chute de ce texte, cela ne gâche en rien ces scènes finales, riches en émotions, qui se détachent d’une ambiance globalement plus morose. J’ai été étonné par le fait d’adhérer aussi vite aux personnages. Il faut dire qu’ils donnent envie d’être aimés, grâce à leurs désirs et à leur envie d’y arriver !
Retour à Altamira, de Thibaud Latil-Nicolas
Guedj et Valentina. Une sacrée histoire à eux deux. Pour le moment, c’est la nouvelle de cette anthologie la plus émotive que j’ai lu. En très peu de temps, l’auteur a su créer des personnages authentiques et intégrer un suspense intéressant grâce à sa double intrigue, dont les deux histoires se déroulent dans des repères temporels proches, mais différents. L’intrigue secondaire aide à comprendre la principale. Lui est pilote, elle, ingénieure. Lui a désobéi à un ordre lors d’une de ses missions en vol, dans le but de protéger l’intégrité de sa planète. Mais le vaisseau qu’il devait éconduire ou abattre ne portait pas d’arme, il désirait simplement venir se réfugier, fuyant la guerre sur sa planète d’origine.
Quelle claque en lisant ce texte. J’ai tellement envie de voir cette nouvelle se poursuivre sur d’autres chapitres, ou même découvrir les protagonistes dans d’autres aventures tellement ils sont attachants. Ce sont des personnes douées de réflexion, d’une rare réflexion, qui mériteraient pourtant une attention particulière, mais qui ont été rejetés comme des malpropres. Personne ne doit discuter les ordres. Jamais.
Les indésirables, de Luce Basseterre
Le Kitari se traîne dans l’espace en vitesse subluminique. En clair, il n’avance pas. Sa propulsion habituelle a rendu l’âme, sans qu’on ne puisse comprendre ni pourquoi ni comment. Les ports les plus proches se situaient déjà à près de trois mois de voyage, et pas sûr qu’y accoster soit une bonne affaire. L’équipage avait aussi songé à envoyer un appel de détresse, mais sa cargaison étant précieuse, il ne valait mieux pas attirer l’attention. Avec eux, un prisonnier, mais plus que cela, un mutant. Les membres d’équipage furent surpris de trouver là, au milieu de nulle part, un vaisseau, qui ressemble à s’y méprendre à un dock capable de permettre l’accostage de nombreux vaisseaux. Mais si ce n’était là qu’une apparence ?
Ce texte a un beau potentiel. Je trouve que, malheureusement, ce sujet pourrait et devrait être traité dans un format plus long. J’ai vite été perdu entre les nombreux personnages, et la fin m’a mis K.O. Je ne comprends pas la chute, voilà qui m’embête ! Il y a aussi quelques petites coquilles qui se promènent dans le texte ci et là. Bon, j’ai bien aimé le début, mais la fin me laisse perplexe.
Mésaventure, de David Gallais
Voilà une nouvelle que je voulais lire avec impatience. Je n’en ai pas été déçu le moins du monde. Le style de David Gallais est limpide, alors il est facile de se projeter dans les histoires qu’il concocte. Mitch Kogan n’est pas un homme riche, loin de là. Il doit même de l’argent. Alors, quand une mission lui tombe dessus, à peine imposée par son employeur, qui sait trouver les bons arguments pour le faire céder, il ne peut qu’accepter. Il va devoir se rendre sur un vaisseau militaire, incapable de se déplacer à cause de ses propulseurs défaillants. Lui qui n’aurait jamais toléré telle mission d’habitude va devoir se faire violence pour la mener à bien…
J’ai été happé du début à la fin par cette courte intrigue. Efficace. Étonnante. Je ne demandais pas plus. Le personnage de Mitch, affublé de ses deux petits reptiles, est déjà une attraction en soi. C’est un sacré personnage, plein d’humour et de répartie. Il va être malmené, mis dans des situations cocasses et surtout apprendre la terrible vérité concernant la panne à bord de ce vaisseau militaire pas comme les autres ! Je vous laisse la primeur de mystère.
Le lien, de Audrey Pleynet
Lamia s’éveille, mal en point. Ses souvenirs commencent à affluer dans son crâne, peu à peu, aussi vite que l’angoisse qui lui prend les tripes. Elle se sait seule. Perdue. Le lien qui l’unit à ses frères et sœurs s’est effondré, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi. Son corps refuse cette rupture du lien. Et pourtant, elle va devoir faire avec pour se relever et tenter de survivre dans le vaisseau dans lequel elle se trouve. Mais, dans sa solitude, elle n’est finalement peut-être pas aussi seule qu’elle ne le pense. Au travers de ses élucubrations, elle va entendre une voix, dans un appareil de communication. Elle pensait pouvoir parler à l’un des frères ou à l’une de ses sœurs, mais c’est avec une ennemie qu’elle va échanger…
Cette nouvelle m’a transporté. Je l’ai beaucoup appréciée grâce à ses idées intéressantes qui laissent planer l’envie de découvrir davantage cet univers. Ce texte est centré sur deux personnages, Lamia et Kers’eh, dont la relation va évoluer au fil du peu de temps dont elles disposent. La fin est sympathique, et clôture avec brio cette courte intrigue sans temps mort !
Bételgeuse z-1, de Romain Benassaya
Kory est envoyé sur Bételgeuse z-1. Une mission de la plus haute importance l’attend là-bas. Il va devoir retrouver une certaine Lyna, coupable d’un vol de matériel classifié et d’attentat contre le régime. Kory va se rendre sur cette lune qui gravite autour de la géante gazeuse Bételgeuse. Lorsqu’il va s’y poser et commencer sa visite, il va très vite se rendre compte que plusieurs choses clochent. Les êtres humains sont réduits en esclavage, pour construire des… formes géométriques. C’est dans ce contexte peu idyllique que Kory va chercher à retrouver Lyna.
Ce texte comporte une idée centrale vraiment très imaginative et intéressante. Le fait qu’elle soit développée de cette manière permet d’en écrire une nouvelle, mais cela pourrait tout aussi bien convenir à un format un peu plus long. J’apprécie beaucoup ce développement, même si la fin est à mon goût un peu trop simple et abrupte. Disons qu’il n’y a pas de surprise. En tout cas, j’adhère aux idées de l’auteur et à son style très prenant !
Ma note globale : 4/5