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Philosophie

L’homme qui voyait à travers les visages, de Eric-Emmanuel Schmitt

By 28 décembre 2016février 12th, 2025No Comments

Après La nuit de feu, Eric-Emmanuel Schmitt poursuit son exploration des mystères spirituels dans un roman troublant, entre suspense et philosophie.

Tout commence par un attentat à la sortie d’une messe. Le narrateur était là. Il a tout vu. Et davantage encore.

Il possède un don unique : voir à travers les visages et percevoir autour de chacun les êtres minuscules – souvenirs, anges ou démons – qui le motivent ou le hantent.

Un sage qui déchiffre la folie des autres ? Son investigation sur la violence et le sacré va l’amener à la rencontre dont nous rêvons tous

Albin Michel – 420 pages – 22 euros.

Augustin Trolliet, un narrateur troublé

Personnage principal de ce roman, Augustin Trolliet mène une vie compliquée entre squat et rejet de lui-même. Abandonné par ses parents, affublé d’un physique qu’il méprend et employé en tant que stagiaire non rémunéré, il ne pense qu’à dénicher un logis pour la nuit et trouver suffisamment de nourriture pour ne pas tomber en décadence totale.

Augustin est-il chanceux ou malchanceux, il ne va pas rester inerte dans ce roman. Toujours là où il faut quand il le faut, il surprend des choses que d’autres n’imaginent même pas. Certaines personnes sont suivies par des morts, ces derniers les conseillent ou les dévient vers le bien ou le mal, ce qui n’échappe pas au don d’Augustin.

Véritable cœur de ce roman, Augustin Trolliet nous emmène avec lui, dans son quotidien, dans ses pensées, ses réflexions. Comme un philosophe dans l’âme, il sait trouver les mots et lever les doutes qui le plombent pour nous plonger dans des dialogues dignes d’un grand penseur.

On l’imagine comme un SDF dépourvu de sens moral, car rejeté de la société, mais c’est quelqu’un de réfléchi qui n’a pas peur d’aller à la rencontre d’autres personnages. Même si ce terme de « personnage » paraît bien insignifiant tellement ses rencontres sont éloquentes.

Terrorisme, le lien entre violence et sacré

Pourquoi le terrorisme au nom de Dieu ?

Voguant dans le passé, passant par les croisades et les massacres religieux et les livres sacrés, Eric-Emmanuel Schmitt enquête, se plonge dans leur tête, leur univers, pour tenter de démêler le vrai du faux, pour nous faire comprendre ce qu’est vraiment le lien entre la violence et le sacré. Assistant même à une radicalisation, Augustin est happé au cœur même du terrorisme.

C’est dans une histoire pleine de suspens et de rebondissements, de hasards qui n’en sont pas, que l’auteur nous pousse dans nos retranchements philosophiques. Dieu est-il responsable de tout cela, ou est-ce l’Homme qui se sert de lui pour nuire ?

De très nombreuses réflexions ponctuent ce roman : la place de la violence dans les jeux-vidéos, la compréhension des écrits sacrés, des pensées sur l’écriture et sur la radicalisation. Eric-Emmanuel Schmitt a voulu condenser beaucoup de philosophie dans « L’homme qui voyait à travers les visages », c’est pourquoi il est important de prendre du temps pendant sa lecture au risque de le survoler.

J’ai beaucoup apprécié la myriade de personnages présents dans cette intrigue. Non seulement car leurs caractères sont bien distincts et tous sont liés à un passé, une histoire, qui les rend encore plus touchants et profonds. Plus que cela, certains vont même pousser Augustin à la réflexion. Entre la juge Poitrenot, qui pense que Dieu est un barbare responsable des actes abominables des Hommes, à l’opposé d’un autre personnage – qui n’est rien d’autre qu’Eric-Emmanuel Schmitt en personne – dont l’hypothèse est inverse : Dieu et ses écrits sont incompris.

« L’homme qui voyait à travers les visages » s’achève de façon surprenante. Ce n’est pas une fin habituelle, autant sur le fond que dans la forme. Cela permet de créer une distance avec sa lecture, pour mieux la comprendre, pour mettre fin aux interrogations de l’intrigue.

Beaucoup de choses positives émanent de cette lecture dont l’histoire m’a captivé. On se sent pris dans la vie des personnages, on ressent beaucoup d’empathie lorsque certaines actions se déroulent. C’est un roman qui lève des doutes, en amène d’autres et pousse le lecteur à réfléchir sur un sujet difficile, au cœur même de l’actualité.

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