Quelque part aux franges de l’univers, une armada de vaisseaux-mondes organiques, connue sous le nom de Légion, glisse lentement dans le vide sidéral. Depuis des décennies, ses différentes factions se battent pour mettre la main sur la Mokshi, le seul vaisseau capable de quitter l’armada condamnée.
La guerrière Zan se réveille sans souvenirs, prisonnière d’un peuple qui prétend être sa famille. On lui assure qu’elle est leur ultime chance de survie, l’unique personne capable de s’emparer de la Mokshi. Pour éviter un massacre, Zan va devoir choisir son camp. Mais comment choisir, quand vous commencez à suspecter que votre mémoire a été volontairement détruite ?
Albin Michel Imaginaire – 416 pages – 22 euros.
Un roman éblouissant d’ingéniosité qui ouvre les portes de mondes organiques voguant dans l’espace…
Je tiens à remercier les éditions Albin Michel Imaginaire pour l’envoi de ce roman. Celui-ci est différent de bien des autres, grâce à son univers décalé. Un monde uniquement composé de femmes, qui vivent dans des mondes organiques. Voilà quelque chose qui m’intriguait ! J’avais envie de le découvrir, et j’espère que vous aurez envie autant que moi de le dévorer !
Elle avait jeté une enfant, voilà le seul souvenir qui lui restait. Le seul qui s’inscrivait en elle, et dont elle percevait toute sa véracité. Du reste de sa mémoire, il ne demeurait pas grand chose. C’était comme si on lui avait effacé l’ensemble de ses souvenirs. On lui racontait des parcelles de sa vie passée, comme le fait qu’elle s’appellait Zan et qu’elle dirigeait une grande armée. Elle devait détruire un monde qui n’existait pas. On aurait même pu lui dire toutes sortes d’idioties, elle ne pouvait pas vérifier toutes ces informations. Elle se sentait perdue dans ce monde qui lui apparaissait comme étranger. Son armée n’était plus, fragmentée, explosée, alors que Zan restait introuvable. Elle ne savait pas pourquoi elle avait eu pour envie de diriger une armée. Et surtout de la mener droit vers une défaite cuisante. Elle devait être la seule survivante de cet assaut. Elle avait réussi à atteindre la destination qui était leur cible. Seule.
Elle n’avait pas pu y rester indéfiniment, ni même rapporter quelque information que ce soit avec elle sur ce monde méconnu. Elle en fut catapultée, mais l’origine de cette échappée restait un mystère. Avait-elle fui de son propre gré, ou dit-elle éjectée ? En tout cas, une chose était certaine. Elle y avait laissé sa mémoire. Désormais, elle passait le plus clair de son temps à l’infirmerie. À chaque veille, elle apercevait ce même visage radieux. Jayd. Une femme bienveillante qui lui apprenait tout ce qu’elle avait besoin de savoir sur sa vie. Tout venait d’elle. Elle vivait dans un monde organique où tout lui échappait. De sa nature jusqu’à son mode de fonctionnement, il fallait tout lui apprendre à nouveau. Sauf certains actes ou certaines connaissances, qui lui revenaient naturellement. Elle avait au moins cela pour la rassurer. Son instinct supplantait son amnésie, du moins par moments.
D’une amnésie à la découverte de ses souvenirs, Zan combat avec férocité pour réaliser une mission dont elle méconnaît tout !
C’est une histoire peu habituelle que j’ai pu lire dans ce roman. La thématique qui implique la disparition des hommes – au sens masculin du terme – est quelque chose qui revient souvent. Toutefois, ajouté à cela une intrigue de science-fiction mêlée au space-opera, et on obtient une histoire très prometteuse ! L’auteur a une imagination débordante, et cela n’a pas dû être aussi simple de poser par écrit toutes les idées qui sont passées dans son esprit. En tout cas, le récit s’avère clair et accessible. Les explications sont rationnelles et donnent envie de rêver et de se laisser porter par l’histoire. Nous ne sommes pas dans de la hard science-fiction, ce qui évite d’alourdir ce texte déjà bien riche. J’ai beaucoup apprécié la manière de décrire ce monde, qui n’est en rien comparable à quelque chose de connu. Le fait de penser que les mondes sur lesquels vivent des êtres vivants sont composés de la même matière qu’eux prête à réflexion. Toute une organisation se crée autour de ceci, et la moindre matière organique se recycle pour nourrir le monde.
Je dois avouer que certaines scènes sont costaudes. Cette volonté de tout recycler pour ne rien perdre vient du fait que les mondes organiques ont besoin sans cesse de nouveaux matériaux. Pour vivre, mais aussi pour se soigner. Car les mondes ont une durée de vie et se meurent, se gangrènent et finissent rongés comme un humain le serait par le cancer. En plus de ceci, il faut nourrir les humaines. Et c’est là que j’ai vu toute la diversité culturelle de ce roman. Les modes de vie sont différents, et surtout leur nourriture. Alors que certaines mangent des produits transformés, d’autres intègrent des morceaux de cadavres humains ! Étant donné que cela fait partie de leurs habitudes, les scènes ne sont pas choquantes, bien heureusement ! Dans ce récit, il y a toute une réflexion sur la vie, et sur cette humanité uniquement composée de femmes. Leurs utérus sont une source de matière première indispensable. Elles font naître ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de leur monde.
Oui, parce que les femmes tombent enceinte comme ça, sans raison. J’ai trouvé que ça faisait un peu immaculée conception, mais pourquoi pas ! Surtout, les femmes ne portent pas toujours un enfant, mais parfois des objets organiques qui vont servir à réparer une machine par exemple. Rares sont celles qui savent porter un enfant, et elles sont toujours primordiales pour la survie de l’espèce. J’ai été stupéfait par cet univers déjanté qui m’a fait passer un moment de lecture inoubliable. Ce n’est pas une lecture de science-fiction classique. L’auteur a su partir sur un sentier radicalement différent et mettre en lumière des mondes diamétralement opposés au nôtre. Les personnages sont fantastiques. Zan a su m’émouvoir à de nombreuses reprises, alors que son amnésie l’empêche de se remémorer des souvenirs d’une importance capitale. Casamir est celle qui m’a fait le plus rire. Même si elle n’use pas d’humour, ses réactions ont quelque chose de drôle qui m’a beaucoup plu. Les Étoiles sont Légion offre une histoire pleine de rebondissements et de révélations. Le moindre détail a son importance. Mais surtout, j’ai pris un plaisir hors norme à savourer chaque détail de cet univers !
Ma note : 5/5