« Le 30 mars 2092, le ministère de la Santé et des Affaires sociales nous délivra un permis, à Eleanor et moi. Le sous-secrétaire d’État à la Population nous fit part de la nouvelle avec les félicitations officielles. Nous étions abasourdis par tant de bonne fortune. Le sous-secrétaire nous invita à contacter l’Orphelinat National. Dans un tiroir se trouvait un bébé à notre nom. Nous étions fous de joie. »
En cette fin de siècle surpeuplée, quand les traitements anti-vieillissements rendent chaque individu virtuellement immortel, avoir un enfant relève du luxe le plus extrême. Sam Harger, artiste spécialisé en design intérieur, ne s’attendait pas à tant de bonne fortune lorsqu’il rencontra l’ambitieuse Eleanor Starke. Couler le parfait amour, puis obtenir l’autorisation d’avoir un bébé… une chance inouïe pour le couple, qui ne cache pas son bonheur. Mais dans ce monde surveillé à l’extrême, dominé par l’informatique et les intelligences artificielles, est-on jamais à l’abri des bugs ?
Le Bélial – 128 pages – 9,90 euros.
Une novella d’anticipation, sur fond de surpopulation, où les humains augmentés vivent dans une société à la limite du virtuel…
Vous commencez à me connaître. La collection Une Heure Lumière du Bélial également. Je poursuis mon aventure avec cette nouvelle lecture, qui me permet, par la même occasion, de découvrir un nouvel auteur. Cette novella d’anticipation profite d’une superbe couverture, dans des tons magnifiques. Le travail d’orfèvre réalisé par Aurélien Police ne fait plus aucun doute, et apporte une touche presque irréelle à cette collection.
David Marusek nous propose un monde d’anticipation. Nous partons pour l’année 2092. Là, les évolutions technologiques importantes ont profité à l’humain. Il semble presque immortel. De fait, le nombre de naissances tend à frôler le zéro absolu. La réflexion est bonne, surtout que ce monde est en proie à la surpopulation. Alors, quand le ministère de la Santé et des Affaires Sociales délivre un permis pour avoir un enfant, les médias se mêlent de l’histoire…
Un univers ultra surveillé, des intelligences artificielles pour aiguiller au quotidien et des bonnes nouvelles comme on en attend jamais !
L’auteur a su rendre son monde accessible à tous. Avec une écriture limpide et des explications claires, il ne fait entrer dans le détail de son univers que par moment, pour ne pas alourdir cette novella qui doit se concentrer sur l’essentiel. Pourtant, j’ai senti, avec un vif intérêt, que le background était immense. Les genres se mélangent. De la science-fiction d’anticipation, avec un zeste de dystopie, où les vies humaines sont augmentées, où la mort, vécue parfois comme une délivrance, n’existe presque plus. Les personnes sont surveillées par la Milice, au travers de sangsues qui analysent les gens au hasard de leurs contrôles. Je vous laisse d’ailleurs imaginer comment elles vous analysent, ces sangsues ! Et, dans tout ça, de l’amour vient se dessiner, une histoire pas comme les autres, avec un dessein qui va créer des envieux.
Au-delà de tout cela, une rencontre. Quand Sam Harger va faire la connaissance d’Eleanor Starke, une amoureuse de ses œuvres, toute son existence va changer. Des invitations, des rendez-vous holographiques, et, bien plus tard, la délivrance du fameux permis. Un enfant. Ils allaient pouvoir donner leurs génomes pour produire un enfant qui leur ressemblerait, qui aurait un peu de chacun de ses parents. Une copie de la réalité. Un foetus déjà existant, mis en sommeil, qui sera reprogrammé pour convenir aux moindres désirs de ses parents. Caractéristiques physiques, sexe, tout peut être choisi comme sur un catalogue.
J’ai adoré cette histoire, qui fait entrer dans un monde futuriste où la virtualité a sa place partout. Beaucoup de personnes disposent d’un assistant personnel, une personnalité virtuelle qui lui est rattaché pour lui venir en aide. Elle agit comme une intelligence artificielle qui retient tout ce qu’il y a d’important à savoir, qui assiste et qui peut prendre des décisions. Un véritable poids s’enlève alors au quotidien. Cette novella prend aux tripes, par son aspect légèrement dystopique, mais aussi par le coup du destin, malheureux, qui va frapper Sam. Là, je me suis rendu compte de l’envers de ce monde. De toute la montée en puissance de certains humains face à d’autres. Un peu comme la différence qui existe entre les riches et les pauvres. Ce fossé est clairement visible, encore plus contrasté. Certains peuvent vivre des millénaires, sans souffrance, sans vieillir, d’autres ne possèdent pas cette chance.
L’Enfance Attribuée prête à réfléchir. Les relations sociales sont biaisées, lointaines, tout passe par le biais du virtuel. Et quand le bonheur semble frapper, certains crient au scandale, au favoritisme. Mais, parfois, tout s’écroule. En un instant.
Ma note : 4/5