Skip to main content
Fantasy

La Passe-Miroir – Livre 1 : Les Fiancés de l’Hiver, de Christelle Dabos

By 6 février 2019février 13th, 2025No Comments

Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l’arche d’Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la Citacielle, capitale flottante du Pôle. À quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.

Gallimard Jeunesse – 518 pages – 18 euros.

Une excellente découverte pour le premier opus de cette trilogie imaginative et tellement dépaysante !

Depuis combien de temps je possède ce premier tome ? Et depuis combien de temps je m’étais ordonné de le lire ? Beaucoup beaucoup trop longtemps, même. Ce qui me permet de me dire que mon auto-discipline n’est pas toujours aussi affutée qu’elle devrait l’être, puisque tant de lectures se sont enchaînées avant d’entamer enfin celle-ci ! Autant vous dire tout de suite qu’on frôle le coup de cœur, voilà, c’est annoncé. Je regrette d’avoir pris tant de temps pour me lancer dans ce roman de Christelle Dabos, qui est par ailleurs une auteure francophone.

Au départ, tout commence par une Bribe. Elle nous met en haleine sans qu’on ait pris le temps de s’installer correctement. Un livre semblait être très important aux yeux de Dieu. Il y apposait des mots, lorsqu’il était content, et même lorsqu’il était en colère. Mais en tout état de cause, il méprisait plus que tout les êtres humains. Et il finit par créer la pire abomination qui soit, il détruisit le monde tel qu’on le connaissait, brisé en morceaux qui allaient bientôt s’éparpiller…

Les bâtiments ont une âme, du moins les bâtisses traversées par le temps, celles qui ont vécu des choses. Le bâtiment des Archives familiales en était une preuve accablante. Il était constamment d’une humeur massacrante, et il savait le montrer. Tout dans cette bâtisse inspirait la crainte, avec ses craquements sonores, ses grincements et autres moyens de communication possibles et imaginables à sa portée. Pour achever le tout, le bâtiment détestait qu’on y entre hors des heures de visite habituelles. Et c’était justement le cas, puisque quelqu’un venait perturber la quiétude des lieux, en évitant même de passer par la porte d’entrée.

Ophélie venait d’entrer par le vestiaire des Archives, mais ce qui était le plus troublant, c’est qu’elle venait de passer par un miroir pour rejoindre cet endroit. Elle se décida d’aller rejoindre la loge des archivistes, mais son grand-oncle paraissait particulièrement occupé et n’entendait pas les toussotements provoqués d’Ophélie. Il sursauta lorsqu’elle posa sa main sur lui. Il avait des informations à communiquer à Ophélie, et non pas des moindres. Son grand-oncle avait eu la mère d’Ophélie au téléphone, et malgré l’excitation de cette dernière, le grand-oncle avait tout de même compris l’essentiel de son message, à savoir qu’Ophélie avait un prétendant, et qu’elle allait bientôt « passer à la casserole » !

Entre décors fabuleux et personnages taillés dans le vif, la poésie s’allie à la dureté de la vie du Pôle…

Je sais, je vais me répéter, mais j’ai vraiment adoré ce roman. J’ai d’abord été attiré par sa couverture, colorée et épurée, dotée d’une magnifique illustration. Mais tant qu’on a pas mis son nez dans les profondeurs de l’intrigue, on ne sait pas réellement à quoi elle correspond. Et vous le dire ne serait que gâcher la surprise qui se dissimule parmi tant d’autres. Je ne saurai pas comment décrire avec minutie l’ambiance qui nimbe ce premier tome, située entre l’émerveillement et la crainte des désillusions. Autant les décors fourmillent de détails et apparaissent comme des contrées splendides que l’on aurait tant envie de visiter, que certains personnages s’avèrent être aussi froids et glacials que les températures du Pôle. Ce tempérament laisse planer le mystère, alors que les informations importantes prennent le temps d’être divulguées au lecteur. Il en résulte une montée intense de la curiosité et les plus petits passages qui évoquent le passé ou la vie de certains protagonistes donnent de quoi nourrir davantage cette envie d’en savoir toujours plus sur eux.

Malgré l’imagination débordante de l’auteure et les environnements stupéfiants qu’elle a créé, les sentiments humains sont plus mitigés. Le déchirement familial est présent, décrit avec netteté et bouscule sans ménagement la vie de la jeune Ophélie. Elle n’a jamais rien demandé de tel et elle va entrer sans vraiment s’en apercevoir dans une machination qui dépasse l’entendement. C’est à coup de révélations tonitruantes que les pistes que l’on s’était imaginées s’envolent. On pénètre dans la dure réalité d’un mariage forcé, pour maintenir et consolider une alliance entre deux peuples que tout semble opposer. Rien n’est semblable, deux coutumes s’affrontent et Ophélie va devoir s’habituer à vivre, et même apprendre à vivre de nouveau, dans un univers loin du sien, aussi bien en distance qu’en existence. C’est une jeune femme très courageuse et débordante d’énergie, qui sait toujours allier les contraintes à ses désirs pour tenter de s’y accoutumer tout en prenant tout ce qu’elle peut en informations et en relations. Elle est en cela très intelligente, même si l’environnement inconnu dans lequel elle va évoluer est semé d’embûches et de faux-semblants.

Je ne peux qu’admirer toute la splendeur de cette histoire. Christelle Dabos nous dépeint un monde vaste, dont on ne connaît encore très peu de choses. Tant d’intrigues pourraient s’y dérouler. Tout dans ce premier tome est une réussite flagrante, de l’idée des esprits de famille, qui sont à l’origine de chaque peuple, séparé des autres par la brisure de la planète que Dieu aurait occasionné. De Artémis en passant par Farouk, ces esprits de famille divergent grâce à leur façon de gouverner et de transmettre à leur descendance. Chaque peuple est doté de pouvoirs, qui crée une sorte de magie aux limites inconnues, qui peuvent être développés avec des liens tissés entre les personnes. Ophélie sait lire dans le passé des objets et retracer son parcours au travers des personnes qui l’ont possédé, même peu de temps. Mais plus que tout, elle est une Passe-Miroir. Et ce premier tome, du début jusqu’à son final impactant, appelle à la lecture de la suite sans plus attendre !

Ma note : 5/5

Leave a Reply