Savez-vous qui vous êtes vraiment ?
Êtes-vous sûr de ne pas avoir vécu d’autres vies ?
Albin Michel – 546 pages – 22,90 euros.
Sur les traces des vies antérieures et de l’Histoire perdue et oubliée…
Chaque année, c’est un peu comme un rituel, le nouveau roman de Bernard Werber sort et il faut toujours très peu de temps pour qu’il fasse parler de lui. Avec des sujets toujours aussi intrigants, l’auteur nous entraîne encore une fois dans son univers en partageant ses expériences de vie dans ses romans. C’est grâce à une expérience sur ses vies passées que l’idée de ce roman a pu germer dans son esprit. Et cette histoire n’en est que plus humaine et ancrée dans l’air du temps.
Opale Etchegoyen est une hypnotiseuse passionnée par son métier. Si bien qu’elle réalise elle-même un spectacle intitulé « Hypnose et mémoires oubliées » à bord de la péniche La Boîte de Pandore. Elle recherche quelqu’un dans le public pour lui servir de cobaye dans une expérience qui dépasse l’entendement : une hypnose régressive qui permet de voguer vers ses existences passées. Seule ombre au tableau, c’est la toute première fois qu’elle va tenter ce numéro, qui n’est pas là pour rassurer René Toledano, qui a été désigné par Opale pour la rejoindre sur scène et imaginer un escalier pour en descendre les marches une à une jusqu’à atteindre la porte d’accès vers son inconscient…
René, parvenu à ouvrir la lourde porte de son inconscient, va tomber dans un couloir parsemé de portes, avec chacune un numéro, la plus récente étant la porte 111. Opale va le guider jusqu’à sa vie antérieure qui a été la plus héroïque. Une porte se met en évidence et René l’emprunte. Il va alors se retrouver dans le corps de Hippolyte Pélissier, un jeune soldat appelé à combattre lors de la Première Guerre Mondiale sur le chemin de Dames. Au travers de cette expérience, René va ressentir toute la douleur et l’horreur du jeune soldat qu’il avait été autrefois. Alors que son corps, sur scène, était parcouru d’effroi, Opale le fit revenir à l’instant présent. Il était si perturbé qu’il décida de quitter la salle de spectacle précipitamment pour rejoindre les quais de Seine. Mais alors qu’il recherchait de la sérénité pour se remettre de cette expérience, quelqu’un le pris à partie et, par la force des choses, un drame survint…
S’en suit un bouleversement de la personnalité de René, comme s’il incarnait également la vie difficile et violente de Hippolyte. Son métier de professeur d’histoire devenait pour lui une obsession. Il devait transmettre l’Histoire vraie, telle qu’elle était et non déformée par les propos de Jules Michelet. Cette situation va l’amener à une violente altercation avec un de ses élèves. La vie de René venait de passer un tournant majeur. Et cette expérience d’hypnose régressive n’était pour rien arranger. Nous emmenant avec lui sur les traces historiques de la Première Guerre Mondiale jusqu’à une impressionnante bataille navale entre Romains et Carthaginois en passant par l’attaque des Khmers rouges au Cambodge contre les moines de Tram-kak, René va nous transmettre des parcelles de ses vies passées et tenter de poursuivre sa raison de vivre…
Un roman envoûtant aux sujets intéressants porté par des personnages en pleine crise de conscience
Il y a un combat contre l’ignorance de l’Histoire, comme une volonté profonde de l’auteur de partager la vérité, parfois difficile à assimiler, par des suggestions sur le thème du mensonge et de la croyance humaine. Il y évoque des sujets controversés et détruit des idées habituelles et communément répandues d’un simple paragraphe. Charlemagne n’a en effet pas inventé l’école et était même un homme plutôt violent, c’est dire ce que l’on peut apprendre au cours de cette lecture aussi riche intellectuellement que psychologiquement. Bernard Werber avait déjà évoqué le sujet des vies antérieures, mais, ici, c’est la thématique qui prédomine dans ce roman, tout en mettant l’accent sur la mémoire avec de brèves incursions sur le fonctionnement du cerveau et le rôle des rêves.
Dans La Boîte de Pandore, il est question d’hypnose régressive, c’est une technique brillamment décrite qui permet de s’orienter vers ses vies antérieures en les occupant en tant que spectateur ou en tant qu’acteur. L’Atlantide est au cœur de ce roman, et les Atlantes y prennent une part importante. Bernard Werber avait déjà développé des hypothèses quant à leur taille imposante et leur longévité incroyable dans son cycle nommé Troisième Humanité. C’est grâce à la visite de ses existences passées que René va découvrir l’Histoire telle qu’elle est vraiment et va même y découvrir une raison d’être.
Le final de ce roman m’a laissé sur ma faim. Le dernier revirement de situation a su me laisser coi, en me demandant quelle serait la solution à envisager par nos personnages pour s’en sortir et aller de l’avant sans sombrer dans l’oubli. Ce bouleversement donne un nouveau gros coup de pression à l’intrigue, mais qui s’essouffle toutefois très rapidement. Une partie du final est prévisible, et même si l’autre ne l’est pas, l’idée qui émerge a beau être excellente, elle demeure néanmoins en deçà par rapport au reste du roman. Et il y a aussi cette question qui tourne dans ma tête sans pouvoir l’arrêter, si l’on agit sur nos vies antérieures à tel point de faire vivre nos ancêtres plus longtemps, n’y aurait-il pas une conséquence sur nos vies futures ? Et même sur celle que nous sommes occupés de vivre ?
Ma note : 4,5/5