« Allô, c’est un enfant perdu qui vous parle.
Est-ce qu’il y a quelqu’un de l’autre côté ?
Non, vous êtes déjà morts.
Je suis l’enfant de vos enfants, je suis de votre sang.
Il y a une petite bougie allumée près de moi. Il faut économiser les bougies. Autour, c’est le noir de la cave, celle où je vis. »
Le temps a filé depuis la Panique, la grande, l’incommensurable débâcle qui a couru sur le monde, balayant jusqu’au dernier rêve d’une humanité autocentrée… Le temps a passé, oui, et il a fallu reconstruire comme on a pu. Essayer, en tout cas, et au prix fort : celui du savoir, bien sûr, mais aussi celui de l’espérance… Et quand Jason Marieke arrive à Rouperroux, misérable village accroché à sa survie précaire, lui, l’ancien, celui d’avant la Panique, homme en quête doté de connaissances mystérieuses et aux questions qui dérangent, alors semble sonner l’avènement d’une ère nouvelle, celle des réponses et du cortège d’horreurs qui les accompagne…
Le Bélial – 353 pages – 19 euros.
Un roman hors du temps à l’ambiance mystique et aux secrets bien enfouis…
J’ai tout de suite reconnu le nom de cet auteur grâce à un autre de ses romans que j’avais auparavant chroniqué, Sim Survivor, qui avait su me convaincre avec brio. Je me suis donc laissé emporter par cette nouvelle lecture du même nom, qui est radicalement différente de ma précédente. La couverture et le titre de ce roman imposent une ambiance obsédante et légèrement malsaine, presque diabolique. Ma curiosité ayant été tentée, il ne pouvait en être autrement : je devais découvrir ce livre de Loïc le Borgne. Sans parler de l’aspect post-apocalyptique qui a de quoi me plaire, puisque je suis un amateur de ce genre, qui se veut sans détours et ancré dans la réalité.
Dès les premières lignes, on entre sans attendre dans l’univers de Hysteresis. Un enfant perdu semble vouloir communiquer avec nous au travers de ses écrits, qui forment alors le roman que je tiens entre les mains, et qui a été déposé dans le trou de l’arbre magique après son écriture. On y évoque la personne de Jason, un homme venu des enfers du passé qui est parti il y a cinq ans. Une tuerie avait alors été dévoilée au grand jour. Le jeune enfant perdu avait écrit son histoire, dans le but de transmettre aux générations passées une vision du futur qui attendait les enfants de leurs enfants…
Le premier chapitre relate une scène de tuerie, de celle évoquée dans le prélude. L’ambiance est mystérieuse et pesante, on ne comprend pas encore les enjeux de ce massacre ni même ce qui a motivé le choix d’arriver jusque là. Des personnes ne méritent pas de vivre, et ce serait quelqu’un ou quelque chose qui déciderait toutes ces sentences sans qu’on ne sache qui pour le moment. Les renégats méritent de mourir.
Un étranger, du nom de Jason, s’est présenté dans un village où un enfant l’accueille. Jason était âgé et paraissait usé par tant de marche. Son signe distinctif était qu’il tapait dans un ballon orange qu’il avait emmené avec lui lors de ses aventures. Il venait de mettre les pieds dans le village de Rouperroux. Déjà, Romain, le jeune enfant ayant découvert Jason a son arrivée, était en proie à une virulente discussion avec les sœurs jumelles Mélusine et Mélopée. Ces dernières parlent de couper du gui, dans le but de s’en servir en tant que poison pour éliminer les personnes qu’elles n’aimaient pas. Elles prêtent leur jugement à un monde peuplé de fées, de l’homme au fer rouge et au grand Hyl, tout comme elles vénèrent les arbres bien plus qu’elles ne vénèrent les êtres humains…
Un univers mystérieux qui met en avant les travers de l’être humain…
Hysteresis est une lecture plutôt atypique, avec son ambiance détonante et un rythme volontairement lent, dénué de scènes d’action. C’est d’ailleurs ceci qui m’a déçu dans cette lecture. La curiosité n’a pas été suffisante pour me tenir en haleine tout au long de cette histoire. Le suspense n’est pas présent, et l’intrigue avance lentement, alors que les décors ne varient que très peu. Dans ce roman, on retrouve beaucoup de passages avec des poèmes ou paroles de chanson, que j’ai trouvé parfois trop nombreux et qui ont alourdi le récit. Certaines paroles ont tout de même lieu d’être, comme celles qui évoquent la croyance même développée dans l’intrigue.
J’ai apprécié la qualité de l’écriture, on visualise les scènes avec clarté, sans se perdre dans des explications complexes. Certaines scènes fortes sont d’ailleurs pleines de détails et emplies d’émotions. J’ai eu un véritable coup de cœur lors des retrouvailles entre Jason et l’ancienne fille qui partageait sa vie de jeune garçon. D’autres scènes, plus violentes, sont toutes aussi puissantes. On y ressent l’impuissance des personnages pris au piège, sujets alors à la panique la plus totale face à leur consternation. L’auteur a su créer un univers riche en légendes, à l’ambiance sombre, qui fait parfois frémir tellement l’absurdité humaine dépasse l’entendement à de nombreuses reprises. Hysteresis est un roman d’anticipation à l’égard des actes commis aujourd’hui en défaveur de notre monde. Il est avant tout un appel à la sauvegarde de notre environnement et un évocateur de bêtise humaine, qui ne cessera jamais d’exister si elle n’est pas canalisée.
Le personnage de Jason Marieke m’a beaucoup touché par son audace et sa volonté de mettre le doigt là où il le fallait pour dénicher la stricte vérité. D’autres ne sont pas en reste, comme Florine par sa grâce et sa douceur face au monde nouveau qui s’est abattu sur elle comme sur tant d’autres et qui sont devenus des victimes des erreurs des générations passées. L’archiviste Thévenard est un homme intelligent, sur les traces du travail de rassemblement du savoir passé entrepris par son père. Il tente d’améliorer les conditions de vie et de développer la culture avec des ouvrages de l’ancien temps, ce qui en fait un protagoniste majeur qui a su m’intéresser grâce à ses actes et à l’endroit où il travaille. Dans ce roman, certains personnages savent être détestables, alors que d’autres sont admirables, et c’est ce conflit entre la conception de bien et de mal qui est au cœur de cette intrigue. Chaque camp a ses arguments, mais la folie humaine n’est jamais bien loin…
Ma note : 3/5