Son époux est mort. Ou disons qu’en tout cas, il n’est plus en vie… Pour Mari, le temps du deuil est venu. Un double deuil… Armée d’un livre, Les Vues du mont Fuji, par Hokusai, elle se met dans les traces du célèbre peintre japonais afin de retrouver vingt-quatre des emplacements depuis lesquels l’artiste a représenté le volcan emblématique — autant de tableaux reproduits dans l’ouvrage. Un pèlerinage immersif, contemplatif, au cœur des ressorts symboliques de cette culture si particulière, un retour sur soi et son passé. Car il lui faut comprendre… et se préparer. Comprendre comment tout cela est arrivé. Se préparer à l’ultime confrontation. Car si son époux n’est plus en vie, il n’en est pourtant pas moins présent… Là. Quelque part. Dans un ailleurs digital. Omnipotent. Infrangible. Divin, pour ainsi dire…
Le Belial – 136 pages – 9,90 euros.
Une novella teintée de références, entre poésie et technologie moderne…
Il faut que j’avance dans ma lecture de la collection Une Heure Lumière publiée aux éditions Le Bélial. Alors voilà, je ne déroge pas à la règle. Vous verrez d’ailleurs encore quelques chroniques passer, ce n’est pas que je suis en retard, mais j’ai de quoi rattraper pour me mettre à jour ! Allons voir de plus près ce que donne cette novella de Roger Zelazny.
Kit était enterré près d’ici, et pourtant, il était en vie. C’est moi qui suis morte, malgré le fait que je puisse regarder le crépuscule rosâtre au-dessus de la montagne au loin. Kit m’avait dit qu’il m’aimait, moi aussi je l’aimais. L’amour pouvait avoir plein de significations, mais en cet instant, aucun de nous deux ne mentait. Je suis Mari, et je vais partir en pèlerinage. Je ne sais pas encore par où je vais commencer ce chemin. Quand on se situe dans un cercle, peu importe le commencement, on finit toujours par atteindre tous les ponts que l’on s’était fixés. Même si la planification n’était pas mon fort, je savais que je suis là pour tuer. J’avais beaucoup réfléchi, javais pesé le pour et le contre à de nombreuses reprises. J’espérais que ce voyage éclairerait ma conscience à chaque nouveau décor, à chaque nouvelle strate parcourue.
Je commencerais ici. Ce n’était pas loin du lieu où nous vivions, et nous étions déjà venus. Je voyais encore sa main sur mon bras, son sourire et tant de choses qui me raccrochent encore à lui. Qui aurait pu penser qu’il m’abandonnerait un jour ? Je n’avais pas envie de rester en haut de la montagne, pour discuter avec les dieux, ils n’auraient qu’à descendre de ces hauteurs pour me poser leurs questions s’ils leur prenait l’envie de m’interroger. Je me suis élancée, équipée comme pour une randonnée, en important un bâton qui pourrait me servir autant de soutien pour la marche que comme arme. Dans ma poche, une reproduction des 24 vues du mont Fuji par Hokusai. Pour des raisons évidentes de sécurité, il ne fallait jamais entreprendre un pèlerinage seul, alors l’esprit de Hokusai m’accompagnera tout au long de mon voyage.
Une histoire comme un destin, comme un devoir à accomplir…
J’ai apprécié la lecture de cette histoire, qui s’inscrit dans un mouvement poétique en prenant pour base une œuvre éponyme. L’auteur a inséré beaucoup de références et de termes précis. Il parle d’art, qui provient du Japon, ce qui ne m’a pas forcément aidé à comprendre l’ensemble des références et de petits clins d’œil adressés à l’attention du lecteur. Il y a aussi un vocabulaire qui nécessiterait des notes de bas de page pour entrer plus profondément dans l’histoire sans devoir s’absenter quelques instants, faute de compréhension suffisante ! Ces aspects m’ont donné l’impression de survoler cette novella par moments sans pouvoir m’y insérer comme je l’aurais souhaité. Malgré ces inconvénients, j’ai pris du plaisir à suivre les pérégrinations de Mari, dont le mari est décédé. Elle va entreprendre un voyage, presque initiatique, et se positionner à l’endroit où le peintre des 24 vues du mont Fuji, par Hokusai, s’est placé pour peindre ses œuvres.
Cette novella tombe dans des genres distincts selon les scènes. Tantôt poétique, parfois philosophique, à la limite du surnaturel et de la science-fiction également. Ce sont 24 courts chapitres qui représentent l’avancée de Mari, ses rencontres fortuites avec d’autres personnes et les bizarreries qui viennent perturber son cheminement. Il n’y a pas vraiment de suspense à découvrir la suite, le rythme est plat et se suffit à lui-même, c’est la curiosité – en plus du petit format du texte – qui m’ont poussé à aller de l’avant. Ce n’est que dans le dernier tiers, avec l’arrivée d’une pointe de science-fiction plus poussée, que j’ai commencé à m’intéresser au cas de Mari et du défunt Kit. S’en est suivi toute une aventure entre réalité et technologie, comme une histoire d’amour impossible, rompue par la disparition d’un être cher. C’est une lecture paisible, qui prend parfois aux tripes, et qui offre un beau panel de vues et de décors typiques du monde tournant autour du mont Fuji.
Ma note : 3,5/5